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la France pour l’océan

L’hypocrisie affligeante de la France pour l’océan

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Dans la Revue Nature, la communauté scientifique a dénoncé l’hypocrisie de certains états autoproclamés champions de l’océan tout en sabotant des politiques visant à protéger les mers. Et la France en fait partie.

Et non, ce n’est pas moi qui le dit, mais c’est Raphaël Séguin, chercheur en écologie marine et vulgarisateur scientifique dans une tribune sur le média vert. Et je vais ici reprendre ses propres termes, avec son autorisation et sans les modifier tant ils sont justes.

Dans un récent éditorial publié dans Nature, la communauté scientifique épingle l’hypocrisie de certaines nations, dont la France qui s’autoproclame championne de la défense de l’océan tout en le détruisant. Une hypocrisie d’autant plus affligeante qu’elle se cache derrière de grandes annonces comme à Brest en 2022 lors du One Ocean Summit. Et ce 7 septembre, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, affirmait sur la matière de NAHAL de France Inter que la France n’avait rien à se reprocher en matière de protection de l’océan mettant en avant l’organisation de telles conférences. La réalité est tout autre. Lors de ce One Ocean Summit, Emmanuel Macron annonçait fièrement que la France protégeait plus de 30% de ses eaux territoriales. Rappelons que les aires marines protégées constituent l’un des outils les plus efficaces pour protéger les zones océaniques. Les plus strictes interdisent toute forme de pêche et permettent à la vie marine de se régénérer tandis que les aires dites « partielles » protègent la pêche artisanale tout en interdisant les méthodes de pêche industrielles. Sur le terrain, la politique française de protection de l’océan s’avère largement inefficace. En France, les aires marines protégées sont très inégalement réparties. 97% se situent dans les territoires d’outre-mer avec un maigre 3% en France métropolitaine où les pressions humaines sont pourtant plus importantes. Parmi ces aires marines protégées, seulement 1,6% sont sous protection stricte. En Méditerranée, ce chiffre descend à 0,1% et à 0,08% pour la zone de l’océan Atlantique et de la mer du Nord. La majorité des aires marines protégées en France ne confèrent ainsi pas ou très peu de protection. Il faut aussi préciser que la France utilise sa propre définition d’une protection stricte, une définition bien moins efficace que les standards internationaux définis par les scientifiques. Pour que ces aires marines protégées soient efficaces, la France devrait protéger chacun de ses bassins océaniques de façon égale, créer des aires marines protégées à protection stricte et allouer les moyens humains et financiers destinés à la gestion et à la surveillance de ces espaces. C’est loin d’être la direction que prend le gouvernement.

Dans l’éditorial de Nature, les auteurs citent l’opposition de la France à une mesure européenne visant à interdire le chalutage de fonds dans les aires marines protégées. Dans plus de la moitié des aires marines protégées européennes, le chalutage de fonds est plus élevé à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone protégée. Pourtant, le secrétaire d’état chargé de la mer, Hervé Berville, clamait en mars 2023 que la France est totalement, clairement et fermement opposée à l’interdiction des engins de fonds dans les aires marines protégées. Son discours teinté de fausses affirmations, à contre-courant de toute forme de réalité scientifique, a alimenté un climat explosif qui s’est soldé par la mise à feu des bureaux de l’Office français de la biodiversité à Brest. L’interdiction progressive du chalutage de fonds dans les aires marines protégées, pratique dont nombre de pêcheurs artisanaux dépendent encore, est une mesure indispensable pour espérer disposer de zones protégées et donc de populations de poissons en bonne santé pour maintenir une pêche raisonnée dans les décennies à venir.

L’hypocrisie française s’étend au-delà de nos frontières, puisque nos flottes de pêche aux côtés de l’Espagne remontent jusqu’à un tiers des thons dans l’océan indien, où une espèce en particulier, le thon albacore, est gravement surexploitée. Pour pêcher le thon, les flottes européennes utilisent surtout des dispositifs de concentration de poissons, structures flottantes de bois ou de plastique qui attirent les poissons. Cette méthode est loin d’être durable, puisqu’elle capture énormément de juvéniles, des poissons qui n’ont pas eu le temps de se reproduire, de nombreuses espèces non ciblées comme des thons et des requins, et représente une source importante de pollution marine. L’Europe s’oppose aujourd’hui à des mesures de conservation qui permettraient de lutter contre cette méthode de pêche. La France joue un rôle prédominant dans ce combat, puisqu’elle fait partie des États qui ont obtenu l’annulation d’une mesure qui visait à interdire les dispositifs concentrateurs de poissons 72 jours par an. Une mesure minimaliste, nécessaire et loin d’être suffisante, mais déjà de trop pour le gouvernement français et le lobby de la pêche thonière. Ces choix permettent l’accaparement des ressources marines par une poignée d’acteurs privés, aux dépens des pêcheries locales de l’océan Indien. Pourtant la France est déjà illustrée par sa capacité à mener de tels combats. En 1988, aux côtés de l’Australie, Paris s’est ainsi opposé à la convention de Wellington qui aurait permis l’exploitation minière de l’Antarctique. Notre pays est aussi le premier à s’être positionné en faveur d’une interdiction totale de l’exploitation minière des fonds marins, industrie émergente qui menace l’océan profond.

Espérons que la France se saisisse de l’organisation de la prochaine conférence des Nations unies sur l’océan qui se tiendra à Nice en juin 2025 pour aligner sa rhétorique sur des engagements concrets.

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Daniel Krupka

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