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Nature Épisode 4 18 mars 2024 0 J'aime
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Aujourd’hui, nous appartenons aux premières générations qui, grâce au progrès de la science, disposent des connaissances nécessaires pour appréhender l’ensemble des impacts des activités humaines sur la santé des écosystèmes. Nous avons désormais la capacité d’observer, par satellite, la banquise qui disparaît, les forêts brûlées et le niveau de la surface des océans monté. La communauté scientifique est en mesure d’évaluer la rapidité du changement climatique, de calculer la vitesse de disparition des espèces animales et végétales. Bref, on sait faire.
Une équipe internationale de chercheurs a défini dès 2009 des valeurs seuil affectées à 9 processus régulant la stabilité et la résilience du système Terre à l’échelle mondiale. On parle du changement climatique, bien sûr, de l’érosion de la biodiversité, des apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans, indispensables, le changement d’usage des sols, l’acidification des océans, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, la consommation et l’usage de l’eau douce, la dispersion des aérosols atmosphériques et la pollution chimique. Chacun de ces phénomènes interagit avec les autres et ensemble ils garantissent l’existence d’un écosystème sûr et stable. Plus inquiétant, lorsqu’un processus est trop fortement impacté par les activités humaines et se dérègle, les scientifiques constatent un effet domino affectant les autres fonctions planétaires. Afin de garantir le bon fonctionnement de cette mécanique du vivant, des limites à ne pas dépasser doivent donc être établies et respectées. Exemple, pour le changement climatique, le seuil à ne pas dépasser est de 350 parties par million d’eau maximale de CO2 dans l’atmosphère pour rester en deçà d’une augmentation globale de température de 1°C. Dépasser ce seuil climatique provoque un dérèglement et nous rapproche d’un point de basculement qui pourrait entraîner un processus irréversible d’extinction des espèces et de détérioration de la santé planétaire. On est loin, bien sûr, de l’accord de Paris avec ses 2°C. Si nous voulons prendre des décisions éclairées en matière de politique climatique, il est donc beaucoup plus cohérent de se fier aux limites planétaires établies par les scientifiques que de faire référence aux accords politiques.
Il est donc urgent d’intégrer les mécanismes du vivant dans notre arsenal juridique. Actuellement, notre droit scinde la nature en matière et domaine distincts la mer, la forêt, la agriculture, les mines, l’urbanisme. Les activités humaines encadrées par la loi sont compartimentées et les politiques réparties entre les différents ministères. Les alertes scientifiques se succèdent, différents scénarios sont mis sur la table, mais les politiques sectorielles mises en place sur le court terme n’offrent de réponse ni transversale ni transgénérationnelle. La définition des limites planétaires transposées à l’échelle nationale et locale nous permettrait pourtant de poser un cadre définitivement plus adapté que celui du droit de l’environnement actuel. Ces limites devraient être évaluées lors d’élaborations de projets à savoir si elles sont effectivement dépassées ou pas a priori pendant la mise en place du projet et a posteriori ce qui pose un problème de contrôle. Un suivi régulier permettrait en effet de faire des ajustements nécessaires pour respecter des objectifs fixés. D’ailleurs, le ministère de la Transition écologique en 2019 soulignait lui-même qu’outre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyens et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale. Et il est vrai que l’inscription du respect des limites planétaires dans une loi ferait immédiatement obstacle à l’autorisation de nouveaux projets comme celui des forages de Total en Guyane par exemple. Car outre des bilans carbone, les impacts sur les habitats par exemple des espèces protégées ou des risques élevés de problématiques environnementales ou de destruction d’une biodiversité exceptionnelle, tout cela pourrait être pris en compte par des limites planétaires. Si ces limites devenaient un outil transversal d’appréciation des projets privés et des politiques publiques, l’administration serait enfin contrainte de refuser la réalisation des activités manifestement contraires à la protection des équilibres écologiques de nos territoires. Au risque de voir les associations obtenir gain de cause devant le juge.
Comment faire sinon pour corriger les logiques industrielles qui portent atteinte à la planète ? Il n’existe pas de référentiel pour analyser correctement leurs impacts cumulés et aucune autorité n’est en mesure de faire entendre raisons politiques qui s’en tiennent le plus souvent à une logique économique. Et donc ce n’est pas étonnant que les scientifiques observent que la France dépasse de façon certaine 6 des 9 limites planétaires sur son propre territoire. On peut donc imaginer une nouvelle instance la Haute Autorité des Limites Planétaires avec une place essentielle pour guider l’administration dans ses choix de politiques nationales, régionales ou face à un projet privé lorsque ses décisions participent manifestement au dépassement d’une ou de plusieurs limites planétaires. Mais ne nous trompons pas, l’objectif n’est pas de bloquer des entreprises mais d’imposer aux acteurs économiques une stratégie qui nous permette de respecter un plafond écologique viable.
Car pour le moment nous sommes bien éloignés de la neutralité carbone et de l’application du principe de zéro perte nette de biodiversité. Une autorité de ce type permettrait donc aux entreprises des secteurs les plus polluants d’aboutir à un modèle d’activité respectueux du cadre des limites planétaires.
Et pour sanctionner les récalcitrants ceux qui malgré les alertes des scientifiques et les mises en demeure de l’autorité contreviendraient toujours aux stratégies d’adaptation, le droit doit se douter de nouveaux outils.
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Monde Marin
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August | 1 | 1 |
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